Nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer ici la médecine vétérinaire bienveillante en examinant les moyens de prévention des complications possibles de la relation entre le maître de l’animal - c’est-à-dire son propriétaire ou son détenteur - et le vétérinaire praticien. Nous avons souvent insisté sur la communication avec le maître du chien ou du chat. 

La singularité de la médecine vétérinaire, si on la compare à la médecine de l’homme, est que le contrat de soins n’est pas établi ici directement avec le patient animal mais avec le maître du patient. On a parfois pu dire que le contrat était en quelque sorte tripartite et nous avons porté notre attention sur la manière d’impliquer le maître dans les soins à son animal.

Cette fois, nous allons mettre le projecteur plus spécifiquement sur la relation entre le vétérinaire et l’animal amené en consultation. Et cela pour le plus grand bénéfice des trois acteurs.

À ce propos, nous nous sommes déjà intéressés ici au risque de morsure, notamment de morsure de chien, au cours de la consultation ; cela dans le but de prévenir ce risque. C’est déjà en soi une première approche de la problématique de l’abord de l’animal.

Dans l’optique d’une recherche accrue du meilleur bien-être de l’animal de compagnie au cours de la consultation vétérinaire, et s’agissant du chat, nous recommandons à nos lecteurs de se reporter à une thèse pour le doctorat vétérinaire, soutenue à Lyon en 2020, celle de la DV Magdeleine HUTIN : "Vers une meilleure prise en compte du bien-être animal au CHUVAC (Centre hospitalier universitaire vétérinaire pour animaux de compagnie) : analyse des pratiques actuelles et propositions d’amélioration pour la gestion du stress du chat domestique."⁽¹⁾

La question de l’abord du chat n’est qu’un des sujets abordés dans cette thèse de portée généraliste, fort intéressante, qui traite de façon large du bien-être animal avant d’appliquer l’étude au chat amené en consultation vétérinaire et qui débouche, entre autres recommandations visant à limiter le stress de l’animal, sur celles concernant sa manipulation.

Il y a longtemps que le DV Nicolas MASSAL s’est intéressé à cette question de la communication avec l’animal au cours de la consultation, en traitant notamment, à défaut de pouvoir communiquer par un langage articulé, de la communication posturale. Il y est revenu récemment, dans l’hebdomadaire L’Essentiel, en 2023⁽²⁾, dans un article utilement illustré.

Le terme de proxémie est employé pour désigner la relation que les individus entretiennent avec la distance sous tous ses aspects (distance physique, distance perçue, représentations de ce qui est proche ou lointain). "C’est l’étude de l’utilisation de l’espace par les êtres animés dans leurs relations et des significations qui s’en dégagent".

Le positionnement dans l’espace est en effet une forme de communication, tant avec le maître qu’avec l’animal. Il y a lieu, pour chaque praticien, d’apprendre à décrypter ses propres gestes spontanés, les analyser, les comprendre et faire de ses attitudes et postures un outil efficace de communication positive avec l’animal… et son maître aussi. Cela dans le but d’optimiser l’approche bienveillante de la médecine vétérinaire et surtout son efficacité.

Citons le DV MASSAL : "Par exemple, devant une cage d’hospitalisation, se tenir face au chien le met en alerte, même sans le regarder. Tourner son corps de 90° relâche cette tension, même avec un regard direct." Il s’agit d’adresser, par ses postures, des messages préalablement déterminés, au chien (ou au chat). "Cinq éléments de communication sont à considérer afin de préparer ses propres messages, établir ses stratégies et, parfois, comprendre les réactions des chiens :

• Être à côté, c’est être d’accord.
• Tourner le dos, c’est faire confiance (ou au moins ne pas avoir peur).
• S’immobiliser marque une tension.
• Approcher de face et directement est hostile.
• Faire face et rester immobile est une menace."
   

Ces approches s’intéressent à l’accueil du client, au début de la consultation, à l’approche de l’animal, elles traitent également pour le chien de la notion de garde de la salle de consultation…

Récemment des thèses pour le doctorat vétérinaire ont été soutenues sur la question de l’abord proxémique de l’animal amené en consultation.

La DV Claire LEDUC, en 2023, à Nantes, a traité de "L’influence d’un abord proxémique du vétérinaire sur la peur du chien examiné en consultation »⁽³⁾. L’approche, qui part de l’étude centrée sur la peur présentée par l’animal et qui se focalise sur l’approche proxémique de la consultation, vise ainsi plus spécialement la gestuelle du praticien.

Cette thèse, bibliographique et expérimentale, étudie concrètement deux situations :

• La simulation de lecture d’une puce.
• La situation d’un examen clinique.
   

Les DV Coralie CASSAN et Marianne RENOU, dans leur thèse, en 2024 à Toulouse, ont également traité la question pour les deux espèces, canine et féline. Le titre de leur travail : "Comment aborder un chien ou un chat en consultation ? Création d’un support pédagogique"⁽⁴⁾.  

Il est remarquable de constater que leur travail a pu être rendu rapidement disponible sous forme de fiches directement accessibles par tous les vétérinaires sur le site du Conseil national de l’Ordre des vétérinaires⁽⁵⁾ et aussi de vidéographies consultables sur YouTube⁽⁶⁾.

Les fiches détaillent les étapes précédant l’examen clinique puis l’examen clinique lui-même, enfin elles traitent des récompenses lors de l’examen du chien et du chat.

D’aucuns penseront qu’il n’est pas nécessaire de faire une étude raisonnée de ces approches et que l’approche intuitive est bien suffisante. Il n’empêche que l’approche raisonnée sera très utile à ceux qui éprouvent des difficultés et ne serait pas forcément toujours complètement inutile à ceux qui croient pouvoir s’en passer. 

En tout cas, la polarisation actuelle sur ces approches est une façon de dire la volonté qu’il y a de la part des écoles et des institutions vétérinaires de se préoccuper de ces questions aujourd’hui. Nous ne pouvons qu’inciter les confrères et les consœurs à se reporter aux travaux cités ci-dessous en références. 

En conclusion, cette démarche est bénéfique à tous et, comme le dit le DV MASSAL, "ces outils de communication permettent de montrer au quotidien une meilleure compréhension des émotions et une maîtrise du langage des chiens [et des chats]. Les propriétaires apprécient les interventions en salle d’attente et l’engagement du vétérinaire dans les interactions avec leur animal."